Nourrir les imaginaires : Qui produit doit vendre, et qui domine le circuit de vente, finit par dominer la production

Mintsogán 💫 Réflexions

La réflexion qui suit parle d’imaginaire, de fabrication et production de contenus et aussi d’économie, avec à la clé, qui fixe les règles et comment.

La faculté d’anticiper

Elle est capitale dans tous les domaines, encore plus pour tout ce qui concerne les enfants, adultes de demain. Prenons l’éducation, et par association, l’imaginaire. C’est très important de nourrir celui des enfants, car c’est ainsi qu’on cimente leur conscience et confiance en soi, son histoire, qu’on les programme en quelque sorte. Et lorsqu’une société laisse l’imagination de ses enfants (donc ses futurs citoyens et leaders) à la merci de tiers, les conséquences non visibles mais pourtant là se verront à long terme.

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Prenons la littérature

Quelle surprise de découvrir lors d’un des plus grands salons du livre jeunesse d’Europe, un stand affichant de superbes – mais alors superbes couvertures africaines. Le réflexe immédiat au-delà de la joie légitime de voir cela, fut d’en savoir plus. Et découvrir que les maisons d’édition – aux très beaux noms africains, étaient du Sénégal et Côte d’Ivoire. Et de me dire : « Génial ! Enfin des maisons d’édition africaines qui disposent de moyens conséquents pour faire un si bon travail ! » car je vous assure, ces livres en termes de qualité du visuel et matériau n’avaient rien à envier au meilleur de ce qui se fait en littérature petite enfance en Occident.

J’aurai pu m’arrêter là, toute fière de voir à quel point l’Afrique francophone aussi s’est mise à niveau. Et surtout, comment elle fait enfin de cette littérature si importante, celle qui nourrit l’imaginaire des moins de 6 ans, une priorité. Oui mais justement ! Qui connaît l’Afrique francophone et le goulot d’étranglement tant culturel qu’économique qui la tient encore, doit toujours aller plus loin que l’apparent. Et me voilà me documentant sur lesdites maisons d’édition sénégalaise et ivoirienne, pour découvrir que ce sont les bébés d’un des plus grands groupes français de l’édition.

C’est la même chose qui se passe actuellement au niveau de la grande distribution, des enseignes françaises (conséquence directe des accords ACP renouvelés il y a quelques années), sont en pleine expansion dans des pays comme le Cameroun. À première vue c’est bien, ça donne des opportunités, vous diront certains. En approfondissant, c’est la meilleure voie, au vu des moyens en jeu, de voir tous ces secteurs dominés en réalité par un acteur.

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Car qui produit doit vendre, et qui domine le circuit de vente, finit par dominer la production

Sans compter que qui domine la distribution, impose les produits à vendre, dont par exemple les produits d’importation français si prisés d’une classe urbaine africaine de plus en plus occidentalisée.

Pour en revenir à la littérature, qui domine l’édition et la diffusion, est le véritable patron de tous les acteurs de contenu (écrivains). Et donc un acteur clé de ce qui nourrit l’imaginaire du public. Extrapolez cela au contexte mondial de promotion de certaines valeurs, et imaginez les implications.

Faites aussi le lien entre l’expansion des grands centres commerciaux dominés par CFAO*, et la distribution de tous les contenus que ces grands centres voudront valoriser. Dans le cas des maisons d’édition pseudo-sénégalaise et ivoirienne évoquées plus haut, le fait qu’elles occupaient des places premium au salon du livre lui aussi cité plus haut, explique en partie pourquoi j’ai voulu en savoir plus. Ces places sont chères, très chères, et pour parler trivialement, il faut avoir les côtes solides pour y être. sans jouer les divinatrices, on parie combien que d’ici peu de temps, on voit émerger des concours de littérature et autres prix « africains » pour la grande joie des fabricants de contenu africains, joyeux de voir les lauréats mis en avant dans le réseau donc de centres commerciaux CFAO, les médias françafricains, etc? Mais qui voit au-delà de l’apparent, n’oubliera pas de savoir, si cela arrive (et cela est en train d’arriver), qui est le véritable patron.

A méditer !
©Minsilizanga.com

* A propos de la CFAO :

Fondée en 1852, en pleine période coloniale par un industriel français, Charles Auguste Verminck , considéré comme « le roi de l’arachide ». A noter que, à l’instar de cultures de rente destinées au marché européen comme le cacao ou café, la culture de l’arachide fut imposée à certaines populations africaines car l’huile produite servait à l’industrie florissante.

Comme l’anglo-saxon Unilever, la CFAO (Compagnie française de l’Afrique occidentale), permettait aussi, via son circuit de distribution, de recapter les miettes et surtout, cimenter la dépendance desdites populations à ce nouveau mode de consommation. Aujourd’hui, la CFAO est devenue « Corporation For Africa & Overseas » comme compagnie japonaise, et comme à l’époque coloniale, elle se positionne à nouveau comme acteur-clé du secteur de la consommation et distribution d’une Afrique où la classe moyenne va exploser dans les années à venir.

Le passé colonial de la CFAO est donc des plus intéressants, même si le groupe est aujourd’hui propriété du japonais Toyota. Or, dans le combat actuel pour la multipolarité ou le maintien de l’unipolarité dominé par le bloc occidental, le Japon est vu comme du côté dudit bloc.